Classement thématique série 1848–1945:
V. CODIFICATION DU DROIT INTERNATIONAL
1. Conférence de La Haye sur le désarmement
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 295
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001A#1000/45#541* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(A)1000/45 41 | |
Dossier title | Nr. 461. Allgemeines, 1898 - Mai 1899 (1898–1899) | |
File reference archive | B.231-1 |
dodis.ch/42705
Je regrette vivement d’avoir été empêché le 1er de ce mois de dîner avec M. de Martens, mon collègue à l’Institut de droit international, venu à Paris pour quelques jours à l’occasion d’un arbitrage entre l’Angleterre et le Venezuela. M. de Martens s’est spécialement occupé, en raison de ses fonctions au Ministère des Affaires étrangères à St-Pétersbourg, de la préparation de la Conférence dite du désarmement. Il est reparti avant-hier et ne reviendra qu’en mai.
L’Ambassadeur de Russie, prince Ouroussoff, m’a dit qu’à son avis personnel la préparation de la Conférence s’était «quelque peu ressentie de l’inexpérience des initiateurs». En particulier, cela a été une faute de la part de la Russie de ne pas avoir, dès le mois d’août dernier, formulé un programme précis déjà dans la première circulaire. La nouvelle circulaire du 11 janvier est elle-même encore bien vague et dans la pensée d’Ouroussoff, à moins que d’autres gouvernements n’obtiennent l’insertion de tractanda nouveaux, il n’en peut rien sortir de pratique, sauf peut-être trois points dont l’intérêt est réel aussi pour la Suisse. Ces trois seuls points pratiques seraient:
1° l’adoption définitive des articles maritimes et additionnels à la Convention de Genève; si la Suisse veut y ajouter la révision des articles actuellement en vigueur de la Convention de Genève, cela pourrait s’examiner;
2° l’adoption définitive des articles dits de Bruxelles (Codification des lois de la guerre);
3° en ce qui concerne «l’adoption en principe de l’usage des bons offices de la médiation et de l’arbitrage facultatifs, pour les cas qui s’y prêtent»; l’Ambassadeur de Russie s’est longuement entretenu à ce sujet avec M. de Martens; il y a évidemment quelque chose d’utopique dans ce § 8 du programme et les mots «établissement d’une pratique uniforme» dans l’emploi des arbitrages pourraient être interprétés comme le désir de constituer une sorte d’aréopage permanent qui pourrait soulever certaines appréhensions. Il paraît que l’idée de M. de Martens, qui sera forcément un des grands personnages russes de la Conférence, est d’obtenir d’abord le renouvellement formel du vœu de 1856 en faveur de l’appel aux bons offices des puissances amies, puis, sans interdire à qui que ce soit l’appel aux armes, de proposer une procédure d’arbitrage qui fonctionnerait en quelque sorte automatiquement sans qu’aucune des parties soit obligée d’y participer, ni d’accepter le verdict, mais dont le but serait d’exercer une pression morale au nom de l’opinion du monde ou tout au moins de l’Europe, contre celui qui refuserait de l’accepter et, encore plus, contre celui auquel les arbitres donneraient tort. On ne se dissimule nullement à Pétersbourg que pendant nombre d’années peut-être cette pression morale sera insuffisante et n’évitera pas la guerre, mais on a la confiance que peu à peu le principe de l’arbitrage aussi hautement affirmé, pénétrera dans la conscience humaine et dans la politique des Gouvernements et diminuera les occasions de guerres.
Je vous avoue que tout cela ne me paraît pas très clair et qu’Ouroussoff ne paraissait pas lui-même avoir très bien compris ce que M. de Martens entendait. Il a résumé l’entretien en répétant: «Tout cela est bien vague, s’il y a quelquechose de pratique dans toute cette affaire c’est la Convention de Genève et les articles de Bruxelles». Somme toute, on sentait percer chez mon interlocuteur, à travers les formes souples du diplomate slave, une ironie douce et peut-être quelques regrets de ce qu’un jeune Ministre des Affaires étrangères n’eut pas su guider mieux un jeune Empereur.
L’officieux «Temps» d’avant-hier, ayant fait très directement allusion aux difficultés soulevées par l’Italie2 à propos de la participation du Pape à la Conférence, j’ai pu, sans compromettre M. Carlin et l’Amiral Canevaro, jeter un coup de sonde à ce sujet. Ouroussoff déclare carrément que la Russie tient à la participation du St-Siège; si le Pape n’a pas d’armée, il est une des plus grandes puissances morales du temps présent et là où il s’agit de diminuer les maux de la guerre, d’améliorer le sort des blessés, de constituer des arbitres, il serait déraisonnable de lui dénier le droit de dire son mot et d’exercer son action qui ne peut être que pacifique. Je n’ai plus les procès-verbaux anciens de la Conférence du Mètre, le manque de place m’ayant obligé de renvoyer à Berne une partie de notre bibliothèque, mais j’ai le souvenir qu’au début, le St-Siège était représenté par un célèbre astronome, le R. P. Secchi, et qu’après la chute du pouvoir temporel, M. Nigra, Ministre d’Italie à Paris, a protesté contre la présence du R. P. Secchi à une nouvelle conférence et a obtenu l’éloignement de ce représentant du St-Siège; il est vrai qu’en matière de poids et mesures il faut un pouvoir temporel. Vous trouverez dans les procès-verbaux de la Conférence diplomatique du Mètre de 1875 (pages 37, 38 et 39) la trace de ce conflit dans deux discours de M. Nigra demandant la modification du Comité permanent du Mètre créé antérieurement ou la disparition de cet ancien Comité.
L’Ambassadeur de Russie est convaincu que la Conférence se réunira à La Haye et non ailleurs.
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Hague Peace Conferences (1899 and 1907)
Disarmament Questions of international law